Dix conseils de terrain pour hybrider son enseignement (REX AgilHybrid)

LA dynamique AgilHybrid

Accélérée par le contexte de pandémie en 2020, l’hybridation des enseignements et des équipements universitaires offre des opportunités pour la diversification des pratiques pédagogiques. A la suite d’un appel à projets national sur l’hybridation, l’Université de Montpellier et ses 3 partenaires, dans le cadre du consortium de l’I-Site MUSE, ont engagé en 2021 le projet AgilHybrid. 

Aujourd’hui, alors que le projet AgilHybrid, développé pendant deux ans, est terminé, notre équipe est engagée dans la pérennisation des actions mises en place et des ressources déployées, ainsi que leur essaimage.

Les retours d’expérience

Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés à l’expérience de ceux qui ont été en première ligne : les enseignants porteurs de projets d’hybridation. Quelles transformations ont-ils impulsées ? Comment ont-ils procédé ? Quelles satisfactions et quelles difficultés ont-ils rencontrées ? Quel bilan tirent-ils de cette expérience et, surtout, quels conseils peuvent-ils donner aux collègues qui voudraient se lancer à leur tour dans la démarche d’hybridation ?

Nous avons sollicité trois enseignants ayant développé des projets représentatifs de cette démarche, avec l’aide du dispositif AgilHybrid :

  • Jean-Christophe Poudou, professeur de mathématiques à la Faculté d’֤Économie, pour son programme de remise à niveau en mathématiques appliquées à l’économie (première année) ;
  • Céline Averseng, maître de conférences en sciences de gestion à l’IAE, pour la mise en place d’évaluations hybrides s’appuyant sur des études de cas regroupées en banques de questions (Master) ;
  • Isabelle Maître-Devallon, professeure d’anglais à la Faculté de Pharmacie, pour l’hybridation de deux modules de langue vivante (Master et sixième année).
  • Marc Roze, ingénieur pédagogique à la Faculté d’Économie, a également apporté un éclairage sur l’accompagnement méthodologique offert aux porteurs de projets.

Ces entretiens ont donné lieu à plusieurs vidéos que vous pouvez retrouver sur la plateforme multimédia POD.   

Quels conseils pour réussir son hybridation ?

Dans cet article, nous vous proposons un focus sur le cœur de ces retours d’expérience, c’est-à-dire les leçons, astuces et points de vigilance que les trois enseignants témoins ont souhaité transmettre à leurs collègues intéressés par la démarche d’hybridation.

1. Partir d’un problème à résoudre ou d’un besoin à satisfaire

Il ne s’agit pas d’hybrider pour hybrider, mais de savoir précisément quel est le gain d’efficacité recherché, quelle amélioration l’hybridation peut apporter à l’existant, et sur quels aspects il va falloir agir. Cette réflexion est indispensable pour avoir un projet guidé par des objectifs clairs.

Le conseil principal que je donnerais, c’est d’avoir une question à résoudre, un problème à traiter. C’est ce qui nous a poussés nous, en tout cas, à aller vers l’hybridation.

Par exemple, pour cette remise à niveau, on avait besoin de mettre les étudiants en capacité d’apprentissage avant la rentrée scolaire.

Nous avons choisi d’hybrider les enseignements d’anglais pour optimiser les temps de présentiel consacrés à la pratique de l’oral, et pour répondre aux problématiques d’hétérogénéité des étudiants, en proposant un parcours qui serait davantage à la carte.

2. Prendre son temps sur l’étape de conception

De la même manière qu’on se lance rarement dans la construction d’une maison sans en avoir au préalable dressé les plans, la phase de conception du projet est cruciale. C’est à ce moment que l’enseignant se penche sur les éléments de contexte dont il va devoir tenir compte (le profil et les besoins de son public, les objectifs du cours, les moyens dont il dispose, les éventuelles contraintes…) puis définit les grandes caractéristiques de son cours, en adéquation avec ces données de cadrage (en particulier la stratégie pédagogique, l’articulation entre les temps présentiel / distanciel et synchrone / asynchrone) et enfin précise ou retravaille la nature et l’articulation des différentes séquences qui le composent (scénarisation ou re-scénarisation), en faisant des choix qui permettent d’atteindre les objectifs d’apprentissage. Cette méthodologie évite de tâtonner, car elle permet d’avoir un fil directeur clair pour la mise en œuvre des transformations et surtout de s’assurer que le cours remplit bien sa mission.

Il ne faut pas avoir peur du temps que ça va prendre au début, à la conception, parce qu’après, en fait, ce sera du temps d’économisé.

3. Commencer modestement

Pour une première expérience d’hybridation, la méthode des petits pas a fait ses preuves. Inutile de tout révolutionner du sol au plafond, dès le départ. Vous pouvez initier des évolutions simples, puis augmenter progressivement les ambitions ou la complexité : partez sur des actions faciles à appliquer, d’une part, et n’employez pas des moyens disproportionnés d’autre part. Ainsi, vous éviterez de vous sentir submergé(e) par la tâche ou de vous décourager face aux obstacles.

Ce que je conseillerais aux collègues qui voudraient se lancer, c’est de ne pas être trop ambitieux au départ, notamment de ne pas chercher à utiliser des outils numériques trop compliqués ou qu’ils ne maîtriseraient pas (parce qu’il ne faut quand même pas perdre trop de temps au départ avec ça). Il faut, encore une fois, faire des choses simples.

4. Ne pas avoir peur de l’erreur ou de l’échec

Mieux vaut fait que parfait : lancez-vous, sortez un premier prototype, puis améliorez progressivement. Il s’avère que les étudiants sont souvent indulgents avec les imperfections, dès lors que l’enseignant tente de proposer quelque chose de différent et de répondre à leurs besoins.

Au niveau des conseils que je pourrais donner, pour les collègues qui voudraient se lancer, c’est surtout de ne pas avoir peur de faire des essais, quitte à ce que ça ne marche pas […] Ce n’est pas grave ! après on corrige, on réessaie…

5. Chercher des ressources, de l’inspiration et de l’aide

Plutôt que de réinventer l’eau chaude dans votre coin, pensez à vous renseigner sur ce qui se fait déjà à l’Université, mais aussi dans d’autres endroits en France ou à l’étranger. Votre veille sur l’actualité et l’innovation pédagogiques devrait être précieuse pour découvrir de nombreuses réalisations inspirantes.

Pour vous aider à avancer dans la mise en œuvre de l’hybridation, le SUN vous propose un grand nombre de tutoriels, modules d’auto-formation, formations et webinaires, ainsi qu’un appui à la conduite de projets mêlant pédagogie et numérique. Vous pouvez également vous adresser à l’ingénieur(e) pédagogique de votre composante, si vous avez la chance d’en avoir un(e) à disposition, afin de bénéficier de conseils méthodologiques ou d’un coup de main technique.

Pour les enseignants souhaitant s’impliquer dans une démarche d’hybridation, je conseillerais de s’appuyer sur un ingénieur pédagogique. L’ingénieur pédagogique est utile, et pertinent, parce qu’il apporte un conseil, un accompagnement, à un enseignant qui n’a pas forcément l’habitude d’utiliser des outils, ou une manière particulière de concevoir un enseignement.

Être curieux, regarder un peu ce qui se fait, ce que les autres font. Et surtout il y a quand même énormément de ressources qui sont mises à la disposition des collègues par la DSIN. On a des équipes pour nous aider si on est coincé, si on ne sait pas comment faire quelque chose, donc on a plein de solutions ! A chaque matière, à chaque discipline, à chaque situation, correspondent des solutions…

6. Partager et échanger avec des collègues

Les avis, feedback et retours d’expériences des enseignants qui sont proches de vous seront enrichissants à tous les stades du projet. Vous pourrez également créer des collaborations, des synergies. 

Je pense que c’est très important de pouvoir échanger avec d’autres personnes, déjà parce qu’ils vont peut-être, si on peut échanger sur son propre travail, apporter un regard un petit peu critique, constructif, qui va être enrichissant. Et puis… apporter des idées ou des pratiques auxquelles on n’aurait pas forcément pensé. C’est toujours mieux de ne pas être, même si on travaille en autonomie, toujours tout seul dans son coin. C’est important !

7. Bien articuler travail autonome et temps collectifs

Nos enseignants plébiscitent une organisation dans laquelle les contenus les plus théoriques sont proposés en travail autonome à distance (par exemple sous forme de vidéos), pour pouvoir consacrer plus efficacement les temps de regroupement (souvent en présentiel) aux questions, aux exercices pratiques et aux autres échanges avec les étudiants. Il faut rechercher la continuité et la cohérence entre ces différentes modalités. D’après leur expérience, lorsque les ressources mises à disposition en ligne sont ensuite exploitées, commentées ou évaluées, l’investissement des étudiants est plus important sur l’ensemble de l’UE.

Des séances d’animation autour du contenu vidéo en ligne sont absolument nécessaires. [Ce qu’on y a gagné], c’est de leur faire prendre conscience de ce besoin d’autonomisation, de leur donner l’autonomie… mais ensuite, échanger, les pousser à échanger avec l’enseignant, répondre à des questions, et les intéresser à cette problématique, pour nous ici, des mathématiques appliquées à l’économie.

Pour l’étudiant, je pense qu’il y a peut-être une habitude à prendre, qui n’est pas forcément évidente au début, mais si elle est bien prise ça leur permet de bénéficier de cet accompagnement, d’avoir de la flexibilité, parce qu’ils peuvent choisir à quel moment ils travaillent ou pas, ils peuvent choisir de travailler plus ou moins selon leur niveau… de la responsabilisation aussi, je pense qu’ils en ont vraiment besoin. Il faut tout de même s’assurer que les étudiants soient actifs c’est-à-dire – et ça j’en parle pour l’avoir fait ! – si on leur dit « Regardez telle vidéo », ça ne va pas fonctionner du tout, donc il faut qu’il y ait après le cours au moins des questions ou des exercices […]. On a un système d’évaluation sous forme d’exposé : et on a eu, grâce au suivi individualisé, une qualité bien meilleure qu’avant ! […] Je trouve aussi que ça a permis d’améliorer la qualité relationnelle avec les étudiants puisqu’on a le temps de les rencontrer, s’ils le souhaitent, et de passer du temps avec eux pour leur réexpliquer quelque chose, les conseiller dans leur travail.

8. Adopter une position d’accompagnement des apprentissages et soigner particulièrement la dimension relationnelle

La démarche d’hybridation s’avère étroitement liée à un changement de posture de l’enseignant, qui consiste à quitter l’enseignement transmissif vertical pour se placer plutôt en accompagnant, en mentor ou en tuteur d’apprenants qui acquièrent des compétences. Présentation des ressources, feedback sur les travaux, animation des échanges en lignes, suivi individuel de l’avancement, soutien motivationnel, communication générale avec les étudiants : la présence de l’enseignant est essentielle tout au long de l’UE, tant en présence qu’à distance, pour éviter les décrochages.

Il faut essayer de nouvelles choses parce qu’on ne peut plus rester sur l’ancien schéma avec des cours théoriques en amphi où les étudiants vont juste recevoir toute l’information qu’on leur donne : ça ne peut plus fonctionner, ça, pour moi.

Il faut passer du temps, beaucoup de temps, à la conception mais aussi au suivi des étudiants.

Par expérience… il faut vraiment faire de très nombreux rappels, des annonces, des échanges par mails, parce que sinon ils nous oublient tout simplement ! Ce n’est pas facile de travailler en autonomie : ils peuvent être à l’autre bout de la France ou à l’autre bout du monde, sans voir les camarades, sans voir l’équipe pédagogique… Il faut quand même vraiment rester au contact.

9. Faciliter la vie des apprenants

Vous aiderez les étudiants à être autonomes et motivés, si vous leur fournissez des ressources accessibles, des consignes claires, un déroulé et un planning explicites, des objectifs d’apprentissage bien définis et formulés.

Il faut prévoir des ressources faciles : en termes de numérique, on pense souvent que les étudiants sont à l’aise avec le numérique, mais avec leur téléphone portable pour aller sur les réseaux c’est une chose, mais utiliser des outils… Ils ne sont pas forcément à l’aise parce qu’ils n’ont pas confiance, souvent, donc il faut faire en sorte de leur faciliter beaucoup la tâche pour que ça marche bien. […] Encore une fois, faire que ça soit simple : les objectifs doivent être vraiment clairs, les consignes doivent être claires, ils doivent savoir ce qu’ils doivent faire, pourquoi, etc. Qu’ils aient une lecture claire de leur parcours, depuis le cours d’origine, jusqu’à l’évaluation. Parce que le risque, sinon, c’est qu’ils ne fassent pas le travail.

10. Prendre du plaisir !

Si vous prenez le temps de visionner leurs contributions, vous constaterez immédiatement que nos trois enseignants témoins évoquent leur projet avec enthousiasme. Sans minimiser l’investissement qui leur a été nécessaire, ils tirent un bilan très positif de leur expérience, y compris sur le plan personnel.

Pour moi-même, c’est de quitter l’enseignement vertical, d’avoir une nouvelle expérience pédagogique qui utilise la plateforme Moodle et aussi les vidéos.

Alors certes, il y a un coût d’entrée […] mais derrière on a un gain de temps extraordinaire ! Je sais que j’ai réussi à convertir quelques-uns de mes collègues et qu’ils ne feraient machine arrière pour rien au monde ! […] C’est aussi à chaque fois très intéressant de construire les questions : je trouve qu’intellectuellement, ça me plaît, de réfléchir à comment je pourrais construire une étude de cas et la soumettre à mes étudiants.

A titre personnel je ne regrette pas, malgré le temps que ça demande, je ne regrette absolument pas cette expérience, parce que ça m’a permis de sortir un peu de ma zone de confort […] Moi j’ai trouvé ça très enrichissant, parce que ça permet d’exprimer sa créativité, de se remettre en question, de sortir de la routine…

Enseignants et étudiants sur la même longueur d’ondes !

Il est particulièrement intéressant de noter que ces quelques retours d’expérience du côté enseignant rejoignent pour l’essentiel les recommandations de l’OTP (Observatoire de la Transition Pédagogique), dont les travaux s’appuyaient, eux, sur une analyse d’impact menée auprès des étudiants.

 

Les apprenants avaient souligné que le maintien d’un lien personnel fort avec l’enseignant, y compris à distance, était un facteur déterminant pour leur motivation et leur réussite.

Ils avaient également signalé que la répartition entre distanciel et présentiel devait leur paraître pertinente, et que les deux modalités ne devaient pas être juxtaposées de façon indépendante, mais bien être liées entre elles.

Pour aller plus loin :

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