Pourquoi AgilHybrid ?
Nous avons élaboré ce projet afin de pouvoir, à la fois, répondre de manière agile à des contextes qui évoluent rapidement comme lors de la crise sanitaire et développer une hybridation de qualité qui puisse s’inscrire dans la durée.
Ce projet a été conçu en 2020 dans le contexte de la crise COVID-19 en réponse à un appel à projets national sur l’hybridation. Une des idées de ce projet était de développer un enseignement hybride plus « construit ».
En effet, Il me paraît essentiel de faire une distinction claire entre, d’une part, la situation de crise sanitaire qui a exigé une transition urgente vers un enseignement à distance pour des cours initialement prévus en présentiel, et d’autre part, une approche d’enseignement à distance conçue et élaborée spécifiquement pour ce mode d’apprentissage. Pour souligner cette distinction, j’appelle l’enseignement qui a été mis à distance à la hâte en raison de la crise sanitaire de l’enseignement « distancié ». En fait, et c’est lié à l’urgence, il n’était pas possible de véritablement transformer son scénario pédagogique : on reprenait la structure du présentiel et on essayait de faire au mieux, en étant mis à distance « de force ». Or, quand on est dans une vraie démarche d’enseignement à distance ou d’enseignement hybride qui mêle enseignement présentiel et distanciel, il y a un véritable travail de scénarisation qui peut être fait. Quelle est la part que l’on veut conserver en présence, quelle est la part que l’on veut mettre à distance ? Non plus dans un contexte de crise, avec une obligation… mais en ayant le choix !
Périmètre concerné et moyens mis en œuvre : un chantier d’ampleur
AgilHybrid a été construit avec des partenaires du consortium de l’I-SITE Muse : l’Université de Montpellier, l’École Nationale Supérieure de Chimie Montpellier (ENSCM), l’Institut Agro Montpellier et le Centre International de Hautes Études Agronomiques Méditerranéennes – Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (CIHEAM-IAMM).
Les moyens mis en œuvre relèvent de plusieurs financements : l’appel à projets du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche concernant l’hybridation avec des fonds de France Relance, une dotation de l’I-SITE Muse, et une dotation apportée sur le volet équipement par la Région Occitanie dans le cadre du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER).
Objectifs du projet : encourager et accompagner la transformation
Ce projet a eu pour objectif de donner l’occasion d’entrer vraiment dans une culture de l’enseignement à distance et de l’enseignement hybride, tout en permettant un effort sur la qualité.
Avant la crise COVID-19, nous n’avions que quelques composantes déjà impliquées dans les enseignements à distance, par exemple Montpellier Management, qui faisait déjà des licences et des Masters en ligne, l’IAE qui avait aussi développé des MOOC ou la Faculté d’Education avec de l’enseignement hybride. Mais en dehors de ces quelques cas particuliers, il n’y avait pas de culture de l’enseignement à distance et les enseignements étaient majoritairement en présentiel. Une idée principale dans AgilHybrid a été de soutenir une diversification des pratiques pédagogiques et de permettre notamment de l’hybridation bimodale, au sens où l’on va pouvoir choisir de remplacer une partie de l’enseignement présentiel par de l’enseignement à distance. Par exemple, pour une unité d’enseignement qui fait 40 h de présentiel au départ, on va passer à 30 h de présentiel et 10 h de distanciel asynchrone. Pour encourager ce mouvement, nous avons souhaité la reconnaissance de l’activité distancielle asynchrone au même niveau que l’enseignement présentiel, pour que les enseignants puissent conserver les heures dans leur service. Il faut pour cela une transformation de la maquette validée par la composante de formation. C’est une disposition qui permet d’avoir une transformation pérenne.
Il fallait également fournir les moyens de cette transformation, à travers les formations et dispositifs d’accompagnement des enseignants à l’hybridation d’une part, et les équipements d’autre part. Nous avons distribué ces moyens notamment via des appels à projets internes.
Concernant le volet sur les équipements – parce que, effectivement, il y a aussi des aspects matériels quand on veut faire de l’hybridation – nous nous sommes penchés cette fois-ci sur une forme d’hybridation comodale, c’est-à-dire qui permet de mixer simultanément le présentiel et le distanciel. Pour cela, on a besoin d’une salle d’enseignement équipée pour pouvoir enregistrer ou diffuser en direct ce qui se passe. Cela peut permettre également d’avoir des intervenants extérieurs diffusés dans la salle.
Un autre objectif du projet a débouché sur des actions menées avec la Direction de la vie des campus : celle d’accompagner les étudiants dans leur intégration à l’Université, en prenant en compte les aspects numériques et distanciels. Avec le projet Connect par exemple, il y a un accompagnement des primo-entrants, qui est fait d’ailleurs par d’autres étudiants. Nous avons vu que dans un contexte d’éloignement physique, comme c’était le cas avec la situation sanitaire, la dimension relationnelle était très importante.
Succès : la pose de bases solides pour une acculturation en douceur
Pour moi, l’impact le plus fort de ce projet, c’est qu’effectivement l’hybridation des enseignements est vraiment entrée dans la culture et les pratiques. Nous en sommes maintenant à plus de 150 UE qui ont été transformées grâce à AgilHybrid, et qui ont été hybridées de manière pérenne, c’est-à-dire que leur caractère hybride a été inscrit dans la maquette de formation, alors qu’on était précédemment sur des enseignements qui étaient en 100% présentiel. L’objectif n’était pas de massifier cet usage, mais je pense que dans un certain nombre de composantes, pour un certain nombre d’enseignants, c’est entré dans les pratiques pédagogiques. Pour moi, c’est un succès par rapport à cette diversification pédagogique.
Marges de progression
Une des possibles pistes d’amélioration serait que la gestion des enseignements hybrides soit mieux intégrée dans les outils de scolarité, les outils du système d’information, pour que cela soit plus simple d’un point de vue administratif. Les dispositifs de cadrage existent, les mécanismes de reconnaissance existent et ils sont déjà pratiqués : on pourrait dans le système d’information avoir quelque chose qui permette d’identifier très facilement, pour telle unité d’enseignement, qu’elle a 30 h de présentiel, 10 h de distanciel, et que les heures de service des enseignants soient automatiquement gérées sans devoir faire de procédures annexes.
Je pense qu’il y a un certain nombre d’enseignants qui a encore des réticences par rapport à l’hybridation, mais c’est peut-être aussi parce que, pour leur enseignement, cela ne présente pas d’intérêt. Et bon, pourquoi pas ? Pour moi l’objectif n’est pas de forcer les gens à changer leurs pratiques en leur disant « il faut faire comme ceci ou faire comme cela ». Et puis il ne faut pas faire faire du numérique juste pour faire du numérique. Une des craintes possibles concerne la crainte de défaillance des outils (alors qu’une craie ne tombe jamais en panne !) ou des outils qui peuvent parfois ne pas être satisfaisants ou trop compliqués. Une autre crainte face à l’hybridation bimodale, certains collègues se disent : « Mais si je réduis mon enseignement présentiel, est-ce qu’on me garantit qu’au final, je ne vais pas perdre des heures dans mon service ? » Certains, je pense, ont peur que le numérique soit utilisé pour faire des économies, alors que ce n’est pas la logique mise en place à l’Université de Montpellier. Les heures de distanciel sont prises en compte. Au final, on est sur un coût équivalent, voire plus élevé au démarrage lorsqu’on met en place l’hybridation et qu’il faut transformer le scénario pédagogique et produire des ressources numériques. Il peut y avoir un soutien pour cela dans le cadre de l’appel à projets annuel PédagoN’UM. Donc il n’y a pas une logique d’économie, mais je pense que ça peut être une crainte de la part de certains enseignants.
Toutes ces réticences peuvent être surmontées en continuant à communiquer, à former, à accompagner. Peut-être en misant maintenant davantage sur un accompagnement de proximité au niveau des composantes. Le lancement du Café PédagoN’UM relève aussi de cette approche de proximité, plus informelle : nous allons voir si ce nouveau format va séduire un nouveau public.
Perspectives à long terme
AgilHybrid en lui-même s’est terminé en août 2023, puisque c’était un financement sur projet avec une durée déterminée.
Pour prendre la suite, nous pouvons compter sur un appel à projets interne qui est lancé chaque année depuis 2016 concernant le numérique au service de la formation. C’est un appel à projets qui permet d’obtenir des heures de référentiel d’équivalences horaires ainsi qu’un accompagnement de la DSIN. Or dans cet appel, qui s’appelait jusqu’à présent CNUMF et désormais PédagoN’UM, est inscrit depuis l’an dernier un volet sur l’hybridation… qui va donc pouvoir prendre le relais des actions initiées par AgilHybrid.
Nous commençons aussi à exploiter les bases posées par AgilHybrid et développer des approches d’hybridation dans le cadre du développement de la formation continue, la formation tout au long de la vie.
En plus de l’accompagnement de projets, les formations et ateliers qui ont été mis en place autour de l’hybridation vont se poursuivre sous l’égide du Service des Usages du Numérique. C’est à mon sens un aspect essentiel qui était beaucoup moins développé avant AgilHybrid et qui reste crucial pour permettre aux enseignants d’être plus à l’aise et plus autonomes. Pour moi, la formation est un préalable au lancement de projets ou à la production de ressources pédagogiques, c’est vraiment le mouvement de fond. C’est ce qui était une originalité de notre réponse à l’appel à projets de 2020, par rapport à d’autres universités.
Dans la suite des actions sur la pédagogie numérique, un des grands sujets, qui va aussi impacter l’hybridation, c’est le développement de l’usage des Intelligences Artificielles génératives dans la formation… Cette technologie va nécessairement transformer les pratiques des enseignants, parce qu’elle va transformer aussi les pratiques des étudiants. Ainsi au niveau des évaluations, certaines ne seront pas impactées si elles sont faites en salles sur papier, mais potentiellement des évaluations qui sont basées sur des travaux personnels réalisés à la maison peuvent l’être. C’est la société qui est transformée par cette technologie, l’Université doit donc s’en saisir. Pour moi, on est en train de vivre une révolution qui est du même ordre que l’arrivée d’Internet. C’est quelque chose qui est assez intéressant, parce qu’on ne vit finalement pas souvent de grandes révolutions comme celle-là. On ne peut pas se permettre de rester observateurs passifs, il est nécessaire d’investiguer le sujet, voir ce qu’on peut faire avec ces outils, comment les maîtriser, et comment ils vont faire évoluer les pratiques.